Surfaces Vivantes
Le saviez-vous ? Les murs de la Halle aux Farines racontent une histoire. Plus que de simples cloisons, on dit souvent que les murs ont des oreilles mais Bertrand Segers leur a également donné une voix.
L’artiste nous révèle toute l’histoire que cache son œuvre énigmatique nommée « Surfaces Vivantes ». Une sculpture sur laquelle il a travaillé durant 7 longues années : « J’ai eu la chance de pouvoir travailler sur ce projet pendant un temps très long et suivre le chantier pendant toute sa réalisation. L’œuvre a été livrée en 2009 mais j’ai commencé à travailler dessus en 2002 ».
Bertrand Segers explique que ce travail de longue haleine lui a permis de passer par plusieurs étapes : réaliser une écriture en relief, donner une âme au bâtiment et créer une œuvre invisible se fondant entièrement dans le décor.
Une écriture en relief
La première volonté de l’artiste était de donner une voix à ces grands murs en béton. Il s’est beaucoup interrogé : « Qu’est-ce qu’on pouvait leur faire raconter ? Qu’est-ce qu’on pouvait leur faire dire ? »
Finalement, il a trouvé la solution : l’écriture braille. Un système d’écriture tactile qui lui a permis d’allier le sens du toucher avec la lecture au moyen de points en relief. « À ce moment-là je travaillais sur l’image et l’absence d’image, puis j’ai découvert le braille. J’ai donc pensé que c’était le braille qui allait pouvoir dire quelque chose sur ces murs : des murs aveugles qui voient peu la lumière ».
Cette sculpture n’aurait pas pu trouver meilleure place que dans ces couloirs de la Halle aux Farines se situant à proximité du Relais handicap : une belle coïncidence qui réjouit l’artiste. « J’étais étonné de découvrir que le chantier se trouvait au même endroit que le Relais handicap de l’université. Nous avons pu profiter de cet heureux hasard pour présenter l’œuvre à des étudiants aveugles. Ces derniers étaient à la fois surpris et fascinés par le cartel en écriture braille qui accompagne la sculpture ».
Un corps imparfait
« Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau », cette citation de Paul Valéry a beaucoup touché Bertrand Segers et l’a accompagné durant tout son travail artistique. Il explique que chez l’homme, la peau est l’organe le plus important puisqu’il représente en moyenne 3,5 kilos.
« Surfaces Vivantes est une œuvre habitée qui vient habiter le bâtiment ». Pour lui, ce projet était un véritable challenge : « Faire entrer un corps dans le bâtiment est un fantasme à la fois artistique et architectural qui s’est parfois traduit par des œuvres symboliques. Avec le braille, j’ai pu proposer d’intégrer le corps d’une façon qui me convenait ».
Un corps parfaitement imparfait qui rend cette sculpture d’autant plus réelle avec des détails précis faisant référence à des boutons, des points noirs ou encore des grains de beauté. « J’ai tenu à ce que ce corps regarde vers la banlieue, vers le centre. Ainsi lorsque l’on est sur l’esplanade on peut voir ce corps qui nous tourne le dos. De plus, il est intéressant pour moi de montrer la manière dont les imperfections racontent une géographie du corps. On se rend compte qu’il y a des grains de beauté ou des petits boutons qui vont se concentrer sur les épaules. Et qu’à d’autres endroits il y en a moins par exemple ».
Face à cette mystérieuse œuvre, les réactions des usagers n’ont pas manqué : « Les usagers ont été surpris de découvrir qu’il s’agissait d’un corps. J’ai eu le droit à plusieurs retours : « Ah c’est un corps ? » ; « Ce sont des accidents de la peau ? » J’ai moi-même beaucoup de mal à expliquer cette surprise mais j’étais heureux de constater que les réactions étaient majoritairement positives. D'ailleurs lors de la présentation de mon projet, les gens ont trouvé que Surfaces Vivantes était étonnant et très poétique ».
UnE Oeuvre invisible
L'artiste est satisfait du résultat final puisque sa sculpture fait désormais partie intégrante du décor. Si bien, qu'elle passe souvent inaperçue aux yeux des étudiants de Paris Diderot : « Ce qui me plaît dans cette œuvre c’est que ce soit une proposition, qu’elle n’altère pas l’usage du lieu. A cet endroit on peut la voir, on peut ne pas la voir, on peut la ressentir aussi de façon inconsciente. J’ai l’impression qu’elle existe aussi en étant invisible : en y allant j’ai vu, à plusieurs reprises, des étudiants qui s’appuyaient dessus, qui s’y accoudaient. D'autres la remarque et touchent les rondeurs. Il y a comme ça des réactions douces, naturelles... et si mon oeuvre existe de cette façon-là, cela me convient tout à fait ».
« Le 1% est un dispositif qui permet d’allouer de très bons budgets pour des œuvres qui sont fantastiques. C’est une très belle initiative. L’œuvre de Duyckaerts par exemple, Trait d’union, est vraiment formidable ! » se réjouit Bertrand Segers. |
Vous souhaitez en savoir plus ?
Alors n'hésitez pas à consulter le site internet de l'artiste pour voir les croquis et dessins du chantier, ou pour y découvrir d'autres oeuvres de Bertrand Segers.